Il faut bien naître quelque part.
Il aurait pu naître n’importe ou ailleurs et porter n’importe quel
autre nom.
Son premier enfant vient d’ailleurs de naître à Paris en ce mois de
décembre 2003.
J’ai le sentiment en écrivant ces lignes que cet enfant savait déjà
depuis longtemps qu’il viendrait à naître en ce curieux hiver.
Peut-être d’ailleurs est-ce le cas de tous les vrais enfants, ceux que
le monde attend, ceux que le monde invite pour qu’il le reconfigure.
Il semblerait que le moment soit venu de reconfigurer le système du
monde.
Du Zhenjun est un curieux individu qui chemine dans les milieux de
l’occident déboussolé et des arts du moment en adoptant une posture
difficile à comprendre pour les natifs d’ici : à la fois totalement
impliqué dans les coutumes locales, totalement complice de nos
combines, recettes et autres petits arrangements avec le monde, mais en
même temps irréductiblement étranger à nos manières.
Du Zhenjun n’est d’ailleurs pas plus d’ici que d’ailleurs. Pas plus de
Paris que de Shanghai. Pas plus de New York que de Sao Paolo.
Mais il est, foncièrement, d’aujourd’hui. Il est actuel.
Apparemment chinois. Apparemment artiste. apparemment intégré.
Apparemment docile. Apparemment malléable. Apparemment prévisible.
Apparemment seulement. En réalité, et comme il le dit lui-même, il sait
« jouer le jeu ». Le jeu de la modernité, le jeu de l’actualité. Le jeu
de l’intelligence sociale.
En réalité cet homme doux et disponible est un radical.
Radicalement léger. radicalement praticable. Radicalement politique.
Le triptyque radical inversé des attributs en vogue.
Et radicalement indifférent à ce que les experts multimedia labellisés
pensent de lui.
Certains utilisent des dispositifs complexes pour ne rien dire.
Lui utilise des dispositifs simplissimes pour dire des choses
radicalement simples.
Mais que personne d’autre que lui ne sait dire avec une telle économie
et avec un tel humour.
Je crois que c’est cela que les visiteurs des installations de Du
Zhenjun reconnaissent et saluent.
Comme je le fais ici. Avec fierté.
Pierre Bongiovanni