Du Zhenjun
Du Zhenjun, après avoir placé l’humain au centre de ses préoccupations artistiques pendant des années, a décidé de focaliser son attention sur le monde. L’œuvre interactive “Global Fire”, de 2007, évoque en effet le monde tant par sa forme sphérique que par les images qui la recouvrent et sont visibles depuis l’extérieur du dôme. Entrer à l’intérieur, c’est avoir la possibilité d’agir symboliquement sur ce monde en allumant des geysers de gaz virtuels à l’aide de flammes réelles. Car Du Zhenjun aime à nous donner la possibilité d’entrer dans ses œuvres, d’agir sur ses images. Les drapeaux qui apparaissent alors sont presque instantanément brulés, sans rancœur aucune. Mais il convient de collaborer entre spectateur pour faire disparaître la totalité des fragments de tissu hautement symboliques qui trop souvent sont porteurs de rancunes. Pour qu’enfin une épaisse fumée semblable à la représentation en peinture de quelques colères divines envahisse l’image. Il va de soi que la suppression des drapeaux ou frontières qui entretiennent nos différences ne pourrait être que le fruit d’une collaboration planétaire. Faudrait-il encore, au-delà d’un désir partager, que nous puissions communiquer tous ensemble, avec le même langage. Or cette langue, à l’ère de la globalisation, existe si l’on accepte d’envisager l’Internet autrement qu’un simple protocole. Alors c’est là, dans cette base de données planétaire et partagée que Du Zhenjun puise les milliers d’images qui composent ses dernières créations photographiques. Sans même nous dire les mots qu’il saisit dans les moteurs de recherches car ils participent de ces recettes d’artistes qui se font algorithmes. Et c’est ainsi que Du Zhenjun construit ses tours de Babel sans se soucier des possibles conséquences. Les images, ici, ne sont autres que les briques des villes-mondes qu’il envisage en s’y représentant lui-même avec quelque responsabilités et les honneurs qui vont avec. Ses dernières photographies sont donc issues de collaborations entre citoyens du monde. Tout comme si elles nous appartenaient déjà.
Dominique Moulon